"Les Agents AI vont remplacer les appli et le SaaS" (Satya Nadella)
L'industrie du SaaS va fortement évoluer. C'est le Y Combinator et Satya Nadella (PDG de Microsoft) qui le disent. Décryptage.
Satya Nadella, PDG de Microsoft, a récemment partagé une vision radicale du futur de l’industrie logicielle. Selon lui, les plateformes SaaS (Software as a Service), piliers actuels des écosystèmes numériques, sont vouées à disparaître. La raison ? L’avènement des agents d’IA, qui promettent de redéfinir la manière dont les entreprises et les particuliers interagissent avec la technologie. Une révolution qui s’annonce aussi passionnante que déstabilisante.
Des agents au lieu d’applications
De nos jours, les logiciels et applications SaaS reposent sur une logique classique : une interface utilisateur (UI) et des workflows prédéfinis permettent d’accéder à des bases de données pour créer, lire, mettre à jour ou supprimer des informations (le fameux modèle CRUD, pour nos amis férus d’informatique). Mais Nadella prédit que cette stratégie appartiendra bientôt au passé.
Les agents d’IA, capables d’interagir directement avec les bases de données, élimineront la nécessité d’écrans et de workflows rigides. Vous n’avez rien compris ? Imaginez un monde où vous pourriez simplement demander à un agent d’élaborer un rapport, d’analyser des tendances ou de générer des prévisions en temps réel, sans jamais ouvrir un tableau Excel ou un CRM complexe. Le rêve.
Nadella explique que les agents d’IA vont transformer le logiciel traditionnel en rendant les interfaces utilisateur totalement inutiles. Nadella est un visionnaire qui a réussi plusieurs paris depuis qu’il a pris le contrôle de Microsoft donc je pense que ses réflexions valent la peine d’être lues. Selon lui, les outils actuels ne sont que des couches minces au-dessus des bases de données. Avec les agents d’IA, cette couche disparaîtra, et toute la logique opérationnelle sera gérée par l’IA elle-même. Si on synthétise la pensée de Nadella, les entreprises n’auront plus besoin de naviguer dans des logiciels complexes, elles interagiront directement avec leurs données grâce à l’IA.
Pourquoi cette transition ?
Nadella met en avant trois avantages majeurs des agents d’IA :
1. Simplicité : Plus besoin d’apprendre à utiliser des logiciels. L’interaction devient intuitive, avec des commandes en langage naturel.
2. Flexibilité : Contrairement aux applications figées, les agents d’IA s’adaptent dynamiquement aux besoins, sans réingénierie complexe.
3. Efficacité : En accédant directement aux bases de données, les agents suppriment les intermédiaires logiciels et rationalisent les processus.
De plus, il prévoit que ces agents permettront une personnalisation extrême et une automatisation des tâches à une échelle sans précédent. Dit autrement, nous passons d’une ère où les utilisateurs s’adaptent aux logiciels à une ère où les logiciels s’adaptent aux utilisateurs. Avantage ? On ira plus vite, on sera peut-être même plus productifs. Inconvénient ? On deviendra plus feignant et peut-être même plus stupide. Opportunité ? L’IA marquera la renaissance du cerveau humain : l’humain devra se battre et apporter une vraie valeur ajoutée et l’IA sera là pour faire le travail fastidieux, sans grande valeur ajoutée, voire quasiment superfétatoire (je me suis juré de caser ce mot-là dans ma newsletter avant fin 2024, objectif tenu).
Les conséquences pour les développeurs et le modèle SaaS
Pour les développeurs, cette transition marque un tournant. Leurs missions évolueront probablement de la création d’applications classiques à l’entraînement de modèles d’IA et à l’optimisation des interactions avec les bases de données. Nos amis Dev ne pourront pas simplement être des '“cracheurs de code”. Les outils d’IA comme Copilot de Microsoft démontrent déjà comment les tâches de codage répétitives peuvent être automatisées, permettant aux développeurs de se concentrer sur des problématiques stratégiques. Et les Dev devraient s’en méfier, vu que dans des entreprises comme Google, 1/4 du code est déjà généré par l’IA. C’est énorme et ça finira par toucher les autres entreprises, évidemment.
Nadella précise que les développeurs devront apprendre à travailler avec des systèmes d’IA avancés, non seulement pour optimiser leur performance mais aussi pour concevoir des interactions plus intuitives. En gros, « la création de logiciels ne sera plus un processus figé, mais une collaboration continue entre humains et agents, » ajoute-t-il. C’est tellement beau, j’en ai la larme à l’oeil comme dirait Saul Goodman.
Quant aux entreprises SaaS, leur modèle économique pourrait être mis à rude épreuve. Si les agents d’IA prennent en charge les fonctions principales des logiciels (gestion de données, automatisation des processus), les plateformes SaaS risquent de perdre leur pertinence. Pour survivre, elles devront réinventer leur offre en intégrant des agents intelligents ou en proposant des services complémentaires.
Nadella souligne également l’évolution des modèles d’affaires. Il est probable que le SaaS tel qu’on le connait aujourd’hui changera, voire même finira par crever dans certains cas. Les entreprises devront redéfinir la valeur qu’elles apportent. Le simple accès aux données ou aux outils ne suffira plus. Ca ne se fera pas en 6 mois évidemment, mais la transformation se fera. Vous ne me croyez pas ? Alors regardez ce qu’a fait la fintech Klarna, qui a coupé toutes ses relations avec Salesforce et Workday pour remplacer l’ensemble par de l’IA…l’avenir nous dira ce qu’il en sera, mais une décision comme celle-ci, dans une entreprise de cette taille, est probablement très réfléchie et risque d’en influencer plus d’un. Tremblez, éditeurs de SaaS…vous êtes condamnés à changer ou à mourir. Mais tout n’est pas sombre pour autant, voyons ce qu’en dit le Y Combinator.
Prévisions du Y Combinator : une nouvelle vague de startups
Y Combinator partage une vision complémentaire et prévoit que les agents d’IA verticaux vont dépasser toutes les attentes. « Tous les trois mois, les avancées dans ce domaine continuent de progresser à une vitesse stupéfiante. Nous sommes à un point où nous pouvons parler d’agents d’IA capables de remplacer des équipes entières et des fonctions complètes dans les entreprises, » expliquent-ils.
Ils prévoient que ces agents créeront des opportunités similaires à celles du boom du SaaS, mais à une échelle bien plus grande. Si le SaaS a engendré plusieurs centaines de licornes, nous voyons émerger une nouvelle génération de startups capables de capturer des marchés entiers grâce à l’IA. Ces agents automatiseront des tâches fastidieuses et libéreront les entreprises des contraintes liées aux flux de travail traditionnels.
Un autre point marquant est l’essor de la concurrence entre les modèles d’IA fondamentaux, comme Claude d’Anthropic, qui s’imposent face à OpenAI. Selon Y Combinator, cette compétition stimule un écosystème fertile et offre aux fondateurs de startups des opportunités accrues d’innovation. Personnellement, je pense que le marché sera excitant : Sam Altman est un visionnaire fou d’AGI (j’avais fait un article sur le sujet) mais OpenAI répond pour l’instant à des besoins grands publics. Anthropic semble plus orienté sur les besoins d’entreprises et la recherche, avec une stratégie BtoB (un peu moins le cas pour OpenAI). D’autre part, des dizaines d’outils GenAI naissent en ce moment même et seront spécialisés par verticales. Ils seront plus ou moins dépendants des leaders sus-cités. Dit autrement, de nouveaux marchés vont naître et il y aura de l’argent pour tout le monde.
Des exemples concrets d’agents en action
Prenons l’exemple d’Excel, outil emblématique des suites bureautiques. Avec l’intégration d’IA, Excel pourrait être totalement supplanté : un agent d’IA pourrait analyser des données brutes, générer des graphiques ou proposer des recommandations stratégiques en quelques secondes, le tout sans nécessiter d’interface utilisateur. La valeur ne réside plus dans le logiciel lui-même, mais dans l’intelligence qui permet de l’utiliser sans effort.
De même, dans les systèmes CRM, un agent pourrait identifier les clients prioritaires, rédiger des e-mails personnalisés ou prédire des comportements d’achat, le tout de manière autonome.
Un autre exemple est celui des startups spécialisées dans des domaines verticaux, comme les agents automatisant la gestion des réclamations médicales ou l’analyse des enquêtes clients. Ces solutions sur mesure remplacent non seulement les logiciels traditionnels, mais aussi les équipes qui les opèrent, rendant les entreprises plus agiles et rentables.
Y Combinator cite également des entreprises construisant des agents pour des usages spécialisés : les agents d’IA dans le domaine du recrutement, par exemple, peuvent désormais remplacer les premières étapes de sélection et de tri des candidats, réduisant considérablement les coûts opérationnels. D’autres secteurs, comme le support client ou les tests logiciels, voient également l’apparition d’agents capables de réaliser l’intégralité des processus, de l’analyse initiale à l’exécution finale.
“Imaginez demander simplement : ‘Quels sont mes clients les plus rentables cette année ?’ L’agent générera un rapport complet en temps réel," explique Nadella.
Un futur excitant…mais incertain
L’émergence des agents d’IA pose des questions fondamentales sur l’avenir du travail dans l’industrie logicielle. Si certains y voient une opportunité de créativité et d’innovation, d’autres s’inquiètent des risques d’obsolescence pour les développeurs et les entreprises traditionnelles.
Mais une chose est certaine : ceux qui sauront adopter et exploiter ces technologies auront une longueur d’avance. Comme le résume Nadella, les entreprises qui évoluent prospéreront, celles qui stagnent disparaîtront. Et ça, c’est indiscutable.
Il anticipe également une redistribution des compétences dans l’industrie technologique. Les développeurs et les experts en données devront se réorienter vers la formation des agents et l’amélioration de leurs performances. "Nous entrons dans une époque où l’humain et l’IA travailleront en symbiose," précise-t-il.
Bref…
L’IA est en train de tout changer. Même si l’IA n’a strictement rien d’intelligent (encore une fois, c’est Yann Le Cun qui le dit et si l’on utilise les outils de GenAI chaque jour on comprend vite qu’ils n’ont vraiment rien d’intelligent), il faut noter que l’ère des agents d’IA promet de transformer radicalement notre relation aux technologies. Si le modèle SaaS semble condamné, il ouvre la voie à une nouvelle génération d’outils plus intuitifs, dynamiques et puissants. Une révolution à suivre de près, car elle redéfinira non seulement l’industrie technologique, mais aussi la manière dont nous vivons et travaillons au quotidien.
Les prévisions sont ambitieuses : « Nous pourrions voir des entreprises d’IA verticales atteindre des valorisations dix fois supérieures à celles des licornes SaaS traditionnelles, car elles ne se contentent pas de remplacer des logiciels, mais aussi des équipes entières, » conclut Y Combinator.